Frontière entre respect, fausse politesse et soumission. L'importance de porter le regard au bon endroit...

 


Il m’a été reproché au travail de ne pas dire systématiquement merci ou s’il te plait. Notamment avec les gens dont je suis proche, j’ai parfois l’habitude de ne pas mettre les formes, de ne pas toujours arrondir les angles, d'aller au plus pressé...

J’ai mis en parallèle de cette remarque cette nonchalance qui m’a souvent été reprochée durant mon apprentissage des arts martiaux. « Tu prends les choses trop à la dilettante, tu fais un peu trop le guignol, tu n’es pas dans la voie du Budo… »

Comme souvent dans mes réflexions, je me suis plongé dans la lecture. J’ai relu les quelques textes de ce blog, lu et relu quelques ouvrages, cherchant les références, les points de vue différents sur la bonne attitude à avoir, le respect, l’étiquette, le sens du Budo…

 

1.      Le choix du fond plutôt que la forme.

 Parce que la vie est faite de choix, j’ai privilégié le fond. Même si la politesse tout autant que le langage non verbal à une importance dans nos relations sociale, je leur préfère la sincérité. Je confesse ne pas apprécier les tournures de phrases, je choisi la vérité simple. C'est à dire que j'estime que la vérité doit suffire, et que nous ne devrions pas la rendre artificielle. C'est d'autant plus vrai à notre époque : une femme de ménage devient un agent d'entretiens, une erreur devient un point à améliorer, un plan de licenciement massif devient un plan de sauvegarde de l'emploi...

Il nous a été vendu avec les arts martiaux un folklore. Je pense qu’il y a eu une forme de marchandisation des arts martiaux, du budo, de l’esprit du Samouraï. Il faut savoir distinguer l’entrainement du folklore. Le papier cadeaux de l’offrande, le cadeau du travail de recherche pour ce dernier. Le guerrier du saltimbanque.

Rien à dire, les postures sont parfaites !

Le folklore japonais a pris le dessus dans l’inconscient collectif pour être presque hégémonique dans l’étude des arts martiaux. Il faut bien avouer et reconnaitre le gout de la stratégie dans la culture Japonaise avec de belle réussite comme la propulsion du Judo aux Jeux Olympique par exemple.

Pourtant, nous avons l’escrime, la chevalerie, les trois mousquetaires, nous avons Napoléon Bonaparte, Polytechnique, Saint-Cyr, pas si loin de nous Machiavel… L’art de guerre a, et est toujours extrêmement présente dans notre culture, et plus proche de nous que la culture Japonaise.

Dans notre cas, dans notre école, le GOSHINKAI, la finalité de notre entrainement est de nous protéger. Cela sous entends résister aux attaques aussi physiques que psychologique, autant des personnes que de la vie, mais aussi de nous mêmes...

La forme, serait donc le reste : le folklore, le vocabulaire, les signes distinctifs, la sélection technique, le plus gradé à droite, les couleurs de ceintures, les mots à dire pour le salut…

Dans le reste, dans le folklore il y a de l’utilité, il y a un intérêt. Mais il faut comprendre que ce n’est pas l’intérêt premier.

Et puisque que l’on parle d’arts martiaux (quand même…), on ne peut dissocier tout ceci de l’Homme. Nous pouvons donc faire un parallèle entre l’entrainement, la voie, et la vie de tous les jours.

J’en reviens au début de mon paragraphe : je ne dis pas systématiquement merci ou s’il te plait. (Et c’est un tort que je concède).

Mais ma politesse est dans la sincérité, la même sincérité que je mets dans mes entrainements (même en période de Covid-19).

Je ne dirais pas forcément s’il te plait, ou même parfois j’oublie un « bonjour » (le pire c’est que c’est vrai). Mais c’est parce que je suis dans « le fond », au lieu de me focaliser sur le « bonjour », j’analyse l’intonation de la voie, plus tremblante que la veille, j’observe les baskets au lieu des chaussures à talon, je me rappelle que cela fait 3 fois dans la semaine et que ce n’est jamais arrivé. Le maquillage est moins soigné. Il y a quelque chose. Et forcément mon « ça va ? » ne sera pas un ca va de forme, il sera un « ca va » de fond…

Ceci demande un effort. C’est le même effort que celui de l’entrainement. Un effort dans la rigueur de l’observation, en permanence. Un effort pour creuser les choses, aller derrière les apparences. Un effort dans le gout pour l’effort.

Bien entendu, il est évident que faire les deux (la forme et le fond) est possible. Et c'est vers ce but que je et tous ensemble nous devrions tendre.

Le gout de l’effort version Boss de fin.
 

2.    Précepte 8 du Karaté : Karaté pas seulement au dojo.

 La bonté, l’intérêt pour l’autre (le vrai), l’observation, le gout du détail, aller au-delà de la gêne (le courage ?), l’anticipation, « sentir les choses », les bons choix aux bon moments… Tout ceci est martial (ou budo ?).

Si je reviens à mon exemple de mauvaise politesse parce que je ne dis pas bonjours parce que je suis focalisé sur l’interprétation des signaux faibles. C’est une attitude martiale, c’est du budo (ou un prétexte, ou pire une fausse excuse…)

Observer avec détail, c’est comme sentir le coup arriver. Yagyu Munenori expliquait particulièrement bien comme l’existant et l’inexistant étaient la même chose (je vous laisserais découvrir seul l’excellent « sabre de vie »). Il y détail le concept de pensée et mouvement qui en substance ne sont que la même chose dans des états différents.

Pour votre prochain cadeau
 (ils ont mis « enseignements secrets » en sous-titre pour pouvoir le vendre au monde entier --> logique)

Qu’on se le dise, le but d’un pratiquant d’arts martiaux est de ne jamais combatte. Il ne combat que lorsqu’il a failli à toutes les étapes précédentes.  Donc forcément un entrainement juste ne peux se limiter qu'au Dojo, mais pas seulement pour l’entrainement physique ou technique, je parle là de l’attitude juste, l’attitude martiale, le sens du Budo : avoir un coup d’avance, gagner avant même de lutter. Et cela s'apprend partout.

Le fond (ou le but) de l’entrainement pourrait se résumer à :

                - Sincérité,
                - Persévérance,
                - Vérité,
                - Conscience,
                - Progrès,
                - Bonheur.

 

3.      La rigueur mal placée et/ou la politesse des traitres :

 C’est une de mes madeleines de Proust. Je la vois partout. Elle m’insupporte, m’horripile, suscite en moi le rejet. Cela en devient viscéral.

Voyez-vous ces maîtres prêt à embrasser le sol pour courber plus encore l’échine devant des affiches. Saluant mille fois les morts, vénérant leurs pensées faisant leurs éloges tout en ignorant les vivants, esquivant par dédain les salutations anonymes, critiquant les confrères, crachant sur le travail des autres.

Voyez-vous ces élèves, ces anciens dépassés vous reprochant vos rires comme vos sourires, outré de ne pas vous voir assez concentré, pas assez rigoureux dans votre « attitude martiale », pas assez représentatif de ce quoi devrait être l’étiquette vous imposant leur rigueur outrancière et voulant vous faire croire que votre joie est une extravagance, tandis que dans leur posture sans faille ils vous attaquent dans le zig alors que vous êtes allé dans le zag… Leur attaque « porte manteau » aussi photographique que photographique dans la posture figée sur l’impact…

Voyez-vous ces critiques surentrainées à ne tellement rien faire qu’ils ont tout leur temps et tout leur loisir de vous observer dans les moindres détails, écharpant dans leur immobilisme le moindre de vos mouvement…

Voyez-vous ces starlettes des tatamis plus beau que lisse ou peut-être l’inverse, démontrant avec passion leur capacité à frapper des ananas posés sur votre tête ou à casser des planches de feuille à cigarette dans des Kiai déchirant…

…oui, il y a bien des gens qui coupent des ananas sur la tête d’autres gens…

Voyez-vous ces courtisans, mielleux de compliment envers ceux qu’ils rêveraient de supplanter. Voyez leur base manœuvre politique pour querir quelques gouttes de pouvoir, vous reprochant votre impolitesse envers les référents votre absence de prise de pincette, et de travestissement linguistique.

Voyez-vous ces petits juges, collectionneurs de disciplines ne trouvant du bon que chez les autres, estimant que votre fidélité est un manque d’ouverture trouvant toujours un exemple technique meilleurs venant forcément d’ailleurs plus fort, tout en n’étant jamais là où il faut.

Et je pourrais malheureusement multiplier les exemples décevant…

Pour moi. Dans l’esprit du Budo. Et vous l’avez compris (je l’espère). La rigueur doit s’appliquer dans le fond ou le but recherché, pas dans les moyens ou les artifices.

Commencez par avoir le courage de vous connaitre. Je dis courage parce qu’il vous en faudra pour analyser ne serait-ce que votre part d’ombre. Aller chercher le malsain, le sale, le déviant que nous avons en chacun de nous. Ayez le courage de la vérité face à vous-même. Vos plaisirs tordus, vos pulsions perverses. Assumez vos envies de faire du mal, de parfois désirer la souffrance de l’autre, et d’en prendre plaisir parfois quand elle se réalise.

Soyez sincère avec vous-même. Vous voulez de la rigueur de la vraie ? Allez analyser jusqu’à la formation même de votre pensée, sa structuration. Elle part vers où ? Le besoin de reconnaissance ? Le sentiment de pouvoir ? Peut-être la supériorité, ou alors êtes-vous un peu plus tortueux et vous préférez souffrir ? Vous sentir faible ? Inférieur ou incapable ??

Un magnifique côté sombre....
 

Quand vous exigez la rigueur d’une posture chez l’autre. Prenons l’exigence d’arriver à l’heure. Est-ce vraiment une question d’organisation, ou la jalousie, l’envie cachée que vous aussi vous aimeriez avoir cette liberté, cette tranquillité de celui qui a toujours une heure de retard ?

La rigueur, portez-la sur la sincérité de votre entrainement. Covid et Dojo fermé ? Ne lâchez pas quand même. L’important n’est pas d’avoir son Keikogi, un dojo, un emblème ou des partenaires, l’important n’est pas de raconter mille et une connerie comme je peux le faire quand je partage mon enthousiasme, l’important serait de ne pas se trouver d’excuse. La rigueur est dans la persévérance, dans la générosité, dans l’honnêteté, dans l’entièreté, et dans la sueur.

Vous pourrez douter de tout. Vous ne douterez jamais de la sueur qui perle de votre front.

Vous voulez de la rigueur ? Vous cherchez l’esprit du budo ? La pureté du Bushido ? Tous ces trucs de film d’Hollywood ?

La vérité est dans ce que vous êtes capable de faire pour vous-même et pour les autres. Soyez rigoureux dans votre générosité. Osons le mot dans cette époque de gêne généralisée, soyez rigoureux dans l’amour que vous portez aux autres. Arrêtez de leur offrir une demi-affection. Vous aimeriez percevoir les coups sans percevoir l’affection ???, sérieusement….

L’étiquette n’est pas de bien porter son keikogi ou de savoir nouer sa ceinture. Ça c’est la base. L’étiquette c’est quand une personne fait l’effort de franchir la porte de votre dojo d’aller l’accueillir, de lui montrer un intérêt réel.

Est-ce que vous les voyez comme moi, ces rigoureux de l’étiquette, impeccable comme pas possible, un dos droit comme la justice quand ils saluent, ahhh un salut impeccable, n’hésitant pas à faire la poussière sur le cadre du feu « FONDATEUR », et esquivant tous vos regards quand vous voulez lui dire simplement bonjour. Courant ouvrir la bouteille du senseï, portant son sac, souriant faussement à ses mauvaises blagues. Incapable de vous considérer dans leur certitude. Ne faisant qu’un ¼ du squat pendant l’échauffement par dégout d’avoir mal, trop bon maintenant pour ne plus à avoir à forcer…


La politesse c’est important. Ça permets de faire de la com sur Facebook….

 

4.      Le sens du mouvement.

 Le respect a été un mot extrêmement à la mode durant mon adolescence. Il était souvent tagué dans les MJC que je fréquentais. J’imagine qu’il doit être encore à l’ordre du jour…

Malheureusement c’est un terme qui appartient dorénavant à la novlangue (<-- Ceci est une référence à 1984 de George Orwel, il est absolument indispensable que vous lisiez ce livre si vous ne l’avez pas encore fait). Nous avons dénaturé ce mot, enlevé tout sa substance.

Notez comme le respect est maintenant du. Surtout pour les anciens qui devrait en être gratifié. J’ai parfois l’impression qu’à partir d’un âge avancé le respect s’obtient de droit. Mais le respect ne sera jamais un dû, il est un cadeau puisqu’on l’offre.

Il est intéressant de voir comme dans l’entrainement (puis-je employer le terme budo… ?) c’est trop souvent l’Uke qui fait le mouvement (notez cette phrase : « mais ça peut pas marcher si tu ne me tiens pas le poignet jusqu’au bout). Le seul boulot d’Uké c’est d’attaquer (et c’est déjà tellement de boulot…) pour le reste, Tori se démerde (sans vouloir être malpoli).

C’est aussi cela la rigueur du budo, observer tous les mouvements. Le respect, l’idée même du respect jaillit de la pensée de celui qui l’offre. L’initiative doit toujours être à celui qui donne. Le respect est offert généralement pour quelqu’un que l’on admire. Une personne qui de par son travail, sa rigueur, et sa gentillesse vous attire comme un aimant.

C’est comme un exemple très basique et très martial. Je vous parlais du gout du détail et de l’observation…. Le nettoyage du tatamis… Il n’est pas exigé, en tout cas il ne devrait pas. Nettoyer le tatami avant de partir, rendre service, filer un coup de main, prêter de l’attention, cela doit être un plaisir : Le plaisir de faire plaisir.

C’est d’ailleurs quelque chose de très ancré dans la culture Japonaise et il y a un mot pour le désigner : l’Omotenashi. Il s’agit d’une philosophie japonaise antique décrivant la capacité à anticiper les besoins d'un invité avant même qu'il en soit conscient.

 

Le plaisir de faire plaisir jusque dans la stratégie…..

On pense trop souvent que c’est une prédisposition contrainte. Ce n’est absolument pas cela, ce n’est pas une demande de l’invité ou du professeur. C’est une envie, un plaisir pour celui qui accueil ou pour l’élève envers son professeur.

Pour cela il est bon de s’interroger au sens du mouvement, d’où part l’intention… Si ça ce n’est pas martial mes amis…

J’ai compris tout ceci en relisant quelques livres pour préparer cet article. J’avoue avoir été, à l'époque, pas mal dérangé par beaucoup de photo de Maitre d’Art Martiaux souriant, gentil, bienveillant. Prônant des concepts comme l’amour, la Paix, le bonheur. Je ne trouvais tout ceci pas très viril pour des bonhommes pratiquant les arts martiaux.

Mais maintenant, je comprends. Par cela ils créent du mouvement. Un mouvement qui va vers eux. Ils attirent, ils donnent envie. C’est ça l’énergie, c’est le mouvement. Donner aux autres ce que l’on a appris, le donner avec bienveillance, gentillesse et avec amour. Et c’est un mouvement qui se reviens vers vous…

 

5.      La Stratégie :

 

L’importance d’être au bon moment

 

S’il est une dimension essentielle des arts martiaux. Si le budo était un esprit, il serait la stratégie. C’est pour cela que la politesse, le respect, l’étiquette toussa toussa… L’art de la guerre n’est pas l’art des bonnes manières, c’est l’art de vaincre ou de survivre…

Je ne dis pas que les bonnes manières ne sont pas utiles, elles sont essentielles dans les rapport sociaux. Je parle ici de la sur-couche, celle de la masturbation intellectuelle...

L’art de la guerre n’est pas culturel. Il dépasse les cultures. Appelez-le : Budo, Bushido, Buisines, Compétition, Espionnage, Géopolitique ou Management. Vous y retrouverez à peu près les mêmes principes puisqu’il ne traite qu’une seule chose : l’art de prendre l’avantage sur un autre.

D’autant plus à l’heure du Covid-19, la stratégie est essentielle. Dans les crises les perdants perdent plus et les gagnant gagnent davantage.

Quand je parle de gagner vous pouvez y mettre pas mal de chose : des vies, de l’argent, du pouvoir, du bonheur, de la tranquillité, de l’angoisse…Ect

La stratégie est l’art de faire le bon choix au bon moment. C’est avoir un avantage certain.

Il ne faut cependant pas se leurrer, l’intelligence n’est pas un signe unique de prédisposition pour la stratégie. Elle ne suffit pas, il n’est pas assez d’être érudit. Puisqu’en plus du savoir, il faut du faire.

Et là l’entrainement, le « dure à la tâche » est indispensable. Il faut connaitre la douleur, il faut connaitre la souffrance, la pugnacité, le gout salé de la sueur. Il faut de la vérité, de la sincérité (si vous n'aviez pas compris, en premier lieu dans vos attaques). Affuter son corps autant que son esprit. L’un n’ira jamais sans l’autre.

C’est la difficulté des arts martiaux d’aujourd’hui. Faire comprendre qu’il est difficile de parvenir à une élévation de soi sans travail et sans opiniâtreté. Le juste équilibre entre réflexion et action, entre ambition et réalité, entre vendre du rêve et dire la vérité.

La stratégie c’est aussi connaitre la vérité pour faire les choix justes. Méfiez-vous autant des conspirations que des conspirationnistes. Méfiez-vous de la vérité par instinct, confrontez là, sourcez là, mettez là en doute et surtout acceptez qu’elle ne vous arrange pas, qu’elle vous déplaise.

 

Au lieu de formaliser, libérez,
Au lieu de chercher dehors, cherchez dedans,
Au lieu de juger, démontrez,
Au lieu d’empêcher, délivrez,
Au lieu de favoriser, équilibrez,
Au lieu de rejetez, aimez,
Au lieu de la rancœur, mettez le bonheur.

 

N’oubliez pas que ce que je dis n’est jamais vrai. La vérité est trop discutable pour cela.

Avec toujours la même dévotion,
Sylvain.

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